jeudi 21 mars 2013

IDEALISME ou MATERIALISME



La plus grande controverse philosophique ayant fait l’objet de querelles millénaires entre philosophes, est bien celle portant sur le degré de fiabilité que nous devons accorder aux informations transmises par nos cinq sens au cerveau. Elle porte sur le fait de savoir si nous avons une connaissance réelle et absolue prouvant l’existence du monde qui nous entoure, ou non.

Les Matérialistes pensent que le monde est constitué de matière solide dont les composants sont régis par les lois de la physique classique et que notre conscience est une pure fonction du corps physique et elle s’éteindra avec lui. Au-delà c’est le néant !

Pour les Idéalistes  c’est tout à fait le contraire qui se passe. Notre conscience est une entité autonome du corps physique et toute la matière qui existe ou connu par nous comme pouvant exister, n’est autre qu’une image mentale fabriquée par notre cerveau au moment où nous sommes amenés à l’observer. En d’autres termes, nous ne savons pas de quoi le monde extérieur est fait et nous ne sommes pas surs qu’il existe réellement.

Cependant, tout le monde s’accorde au moins sur un point : La connaissance que nous avons du monde extérieur n’est transmise que par les organes sensoriels : La vue, l’ouï, le toucher, le goût et l’odorat. On parle également d’un possible sixième sens mais dont la réalité reste tout de même à démontrer. Nous allons donc l’ignorer pour les besoins de cet exposé.

Si vous n'avez jamais beaucoup réfléchi à la question, vous devez naturellement supposer que vous (qui êtes entrain de lire maintenant) avez une connaissance directe de toutes les choses matérielles qui vous entourent. C'est-à-dire que lorsque vous les regardez, Il ne vous vient pas nécessairement à l’esprit tous ces mécanismes complexes s’enchainant les uns derrière les autres pour vous permettre de sentir, voir ou toucher et qui sont tellement rapides que vous n’en avez jamais conscience.


Les  dernières découvertes en neurosciences nous apprennent l’existence d’une chaine d’innombrables événements distincts, se déclenchant à la vue d’un objet, un arbre par exemple, et intervenant dans l’espace temps qui sépare l’objet observé de sa compréhension par notre esprit. Les uns après les autres, ces évènements vont se dérouler sur un laps de temps si court que nous n’en soyons jamais conscients: la lumière qui frappe l’objet pour se diriger ensuite vers la rétine de l’observateur, cette même lumière transmise de cellule en cellule à l’intérieur du nerf optique, sous forme de vibration, jusqu’à atteindre le cerveau primitif ou Thalamus. Ce dernier, servant de marqueur du temps et de l’espace, va transmettre la vibration au centre responsable de la vue dans le cortex cérébral central, afin que les deux points de réception puissent établir une espèce d’intervalle spatiotemporel (projection holographique) qui va créer l’image mentale de l’objet observé. 

Ce n’est qu’à ce stade que l’observateur est conscient de la projection holographique de l’objet dans son cerveau. Cependant, comme l’œil transmet une image inversée (voir illustré), le cerveau va corriger la mécanique et ré inverser l’image mentale finale sans quoi c’est un monde à l’envers que nous verrions. En cas de dysfonctionnement cérébral, cette fonction de ré inversement n’étant plus assurée, certains gauchers écriront leurs mots à l’envers (les voyants ainsi) et d’autres personnes devront mettre leurs livres et leurs écrans d’ordinateur à l’envers afin de pouvoir lire correctement.

A ce sujet, le magasine électronique Gentside site le cas d’une jeune Serbe victime d'un tel dysfonctionnement : 

Ceci constitue bien la preuve que nous ne connaissons pas le monde réel mais bien celui projeté à l’intérieur de notre cerveau, comme le soutiennent les adeptes du courant philosophique qu’on appelle Idéalisme (dans le sens idée mentale et non idéal) dont le plus illustre est le philosophe Allemand Immanuel Kant.   

Selon cette doctrine, notre connaissance des objets extérieurs ne vient que des sensations dont nous en avons. Par conséquent, lorsque nous essayons de comprendre la nature du monde extérieur, nous sommes comme devant une obscurité absolue. Il n'existe sans doute, en dehors de nous-mêmes, ni la couleur ni l'odeur, ni la force, ni la résistance, ni la masse, ni rien de ce que nous pensions connaitre de par nos cinq sens. La lumière est produite par l'excitation du nerf optique, et elle ne brille que dans notre cerveau, et quand à la source de cette excitation, rien ne nous prouve qu'elle soit réellement lumineuse.

Pas un seul de nos sens, absolument aucun, n'est pour nous un révélateur de la réalité extérieure. Les sensations de la vue, en apparence si objectives et si "réelles", ne sont que des projections holographiques provoquées par un signal électrique, envoyé au cerveau par le nerf optique, lequel signal est déclenché suite à l'excitation de notre rétine.

De la même manière, toutes les ondes sonores que nous écoutons ou qui nous assaillent, les grincements des machines, les sons de la nature, les mots et les cris de nos semblables..., toutes sont produites par des excitations de notre nerf acoustique. C'est à l'intérieur de notre cerveau que le bruit se produit, à l'extérieur, il y règne un silence de mort, et la même chose peut être dite de tous nos autres sens.

En bref, notre système nerveux, qui nous permet de communiquer avec les objets externes, nous empêche en même temps de connaître leur nature. C'est à la fois un organe d'interaction avec le monde extérieur, et la cause de propre isolement. Nous n'allons jamais en dehors de nous. Nous sommes emmurés ! Et tout ce que nous pouvons dire de la matière et du monde extérieur, c'est qu'ils nous sont révélés uniquement par les sensations qu'ils nous offrent, qu'ils constituent pour nous la cause inconnue des stimuli que nous recevons et qui excitent nos cinq sens, et que les idées que nous sommes en mesure de formuler quand aux sources de ces stimuli et leur nature, sont nécessairement déduites  de nos sensations donc aussi subjectives que les sensations elles-mêmes.

Bien entendu et pour le sens commun, cette théorie parait de prime abord difficile à admettre.
Certains peuvent être enclins à la rejeter la trouvant manifestement absurde, car pour eux, il ne fait aucun doute que les tables et les chaises, le soleil, les planètes et les objets matériels qui nous entourent soient bien réels et qu’ils ne soient absolument pas une vue de l’esprit comme semble l’affirmer cette théorie philosophique, ceci d’autant plus que la plupart des gens sont persuadés que l’existence de la matière physique (Terre, eau, volcans, montagnes..,) est bien antérieur à celle de l’homme et de son esprit, et qu’il est dans ce cas illogique de la considérer comme le simple produit d’une activité mentale humaine.

C’est le grand maitre, Immanuel Kant lui-même qui mettra fin à cette controverse en apportant sa vision de la connaissance, bouleversant les certitudes d’avant lui et créant le point de référence philosophique à la manière d’un Charles Darwin pour ce qui concerne la biologie et l’évolution des espèces.

C’est ce que nous verrons au prochain article : Immanuel Kant   

Herbert





mercredi 13 mars 2013

Qu’en pensent les philosophes modernes ?



Dans le chapitre consacré aux philosophes anciens j’avais volontairement laissé de côté la théorie métaphysique d’Aristote pour une raison simple : malgré sa grande influence sur les théories des philosophes modernes, elle ne présente que peu d’intérêt eu égard au but poursuivi ici, à savoir définir la Conscience.

 Aristote disait : "L'âme n'est pas une variété du corps…, mais elle ne saurait être sans un corps. L’âme n'est pas un corps, mais quelque chose qui appartient ou qui est relatif à un corps."

En ce sens que l’âme étant la "forme" et la matière le "corps physique", le sujet animé est une forme plongée et engagée dans la matière comme toutes ses actions et passions. Chacune a son côté formel (notion de forme) qui concerne l’âme, et son côté matériel qui concerne le corps. Tout ceci me semble confus et n’aboutit qu’à nous faire entrevoir un schéma simpliste de l’âme, entité incomplète qu’il appela le "Noûs", donnant sa forme à la matière, moulant ainsi le corps physique, mais ne pouvant être ni indépendante ni autonome.

Le fait est que c’est bien curieux qu’aucun des philosophes anciens n’ait jamais défini la notion de conscience, ou même tenté de le faire. Dans leurs enseignements, Ils ont tous tourné autour du pot, la qualifiant de puissance et d’énergie, la confondant avec l’âme, un concept religieux, mais sans jamais l’expliquer alors même qu’ils étaient prolixes dans leurs descriptions de la matière. Ils ont tous simplement éludé la question de la conscience comme si c’était un obstacle intellectuel insurmontable, comme si c’était absurde de la poser.

Francis Bacon (1561-1626) et René Descartes (1596-1650), sont généralement considérés comme têtes de liste des philosophes modernes. Francis Bacon soutient que la philosophie a pour objets : Dieu, l'homme et la nature, et de ce fait (dieu étant l’explication de tout) il s’intéresse peu à la métaphasique et ne nous apporte rien dans cette quête que nous poursuivant sur ce qu’est la conscience.

René Descartes, bien qu’ayant développé son discours de la méthode en plagiant le soufisme du philosophe arabe El Ghazali, son ainé de cinq siècle, a tout de même apporté à l’occident qui sortait à peine de la barbarie du moyen âge, un début de construction épistémologique sur la théorie de la connaissance et contrairement à Bacon, s’était intéressé à plusieurs domaines scientifiques dont les mathématiques, la physique, la cosmologie et la physiologie qui lui avait permis d’acquérir de bonnes connaissances en anatomies animale et humaine. De là l'assise de sa notoriété. 

Tous le 17ème siècle fut sous l’influence du cartésianisme de René Descartes et de ses disciples, Bossuet, Malebranche, Spinoza et Leibniz. Le Français Malebranche, le Néerlandais Spinoza  et l'Allemand Leibniz  ont tous les trois poussé la théorie philosophique de Descartes pour l'amener vers d'autres horizons que Descartes lui-même n'avait probablement pas voulu explorer. Si le premier et le deuxième se perdent dans des conjectures et dans des affirmations sur l'existence d'un dieu unique, omniprésent et omnipotent , sans le moindre fondement logique, se prenant parfois les pieds dans le tapis quand à l'existence d'un libre arbitre qu'ils affirmaient par ailleurs, Leibniz ( 1646-1716), brillant penseur allemand, francophone de surcroît, fut le premier des philosophes modernes à accorder à l'âme/conscience le caractère d’une force intelligente et autonome de dieu, et ce, contrairement à l'essence même de la théorie cartésienne.

Leibniz disait qu’en chaque chose qui existe dans l'univers il y a une force qui tend à penser et à agir. Ces forces sont départagées selon le classique antagonisme du bien et du mal, comme c'est le cas dans la religion Zoroastre des Perses ou encore dans l'enseignement du philosophe Grec Empédocle d'Agrègent. Elle sont conscientes d'elles-mêmes, y compris chez les animaux, et tendent à l'équilibre dans l’univers,  grâce à la coordination bienveillante d'une force supérieure, celle de dieu qui "gère" le tout (bien et mal) en aimant et en préservant ses créatures, les hommes et les animaux.

Par l'affirmation de l'existence d'une conscience autonome de la pensée de dieu et libre de ses propres décisions, la philosophie de Leibniz lui valu de se distinguer parmi ses pairs disciples d'un cartésianisme poussé dans ses derniers retranchements, mais en affirmant que " Tout ce qui existe et tout ce qui se passe est forcément le mieux possible, parce que c’est Dieu qui l’a voulu et qu’il ne se trompe pas.", il a également subi les railleries d'un Voltaire (dans Candide) moqueur de son optimisme et de sa naïve théodicée, mais gagné le secours inattendu d'un Victor Hugo, lui même convaincu que dieu existe et qu'il est bon, dans ces vers restés célèbres :

"Oui peut-être au delà de la sphère des nues,
Au sein de cet azur immobile et dormant,
Peut-être faites-vous des choses inconnues
Où la douleur de l'homme entre comme élément."

John Locke (1632 – 1704) est venu apporter une touche anglaise critiquant l’excès de dogmatisme dans la théorie de Descartes. Dans son "Essay concerning Human Understanding" publié en 1890, le "Voltaire” Anglais, nous fait part de sa théorie métaphysique, assez originale pour son époque mais qui constitue tout de même une curieuse combinaison entre l’idéalisme Kantien et le soufisme d’Al- Ghazali.

Pour lui, l'univers se compose de Dieu, de l'immortelle âme pensante, et de la matière physique qui n’est qu’une extension de la pensée de dieu.  Comprenez par là que la pensée de dieu, énergie par essence, amalgame les atomes pour créer la matière, et c’est ainsi que dieu se trouve présent dans toute création qu’elle soit minérale, végétale ou animale.

La perception que nous avons nous de cette matière physique est entièrement réduite aux sensations directement transmises par elle à nos esprits à travers nos cinq sens. Cependant John Locke  admet que les qualités primaires que l’on attribue à la matière (densité, solidité, opacité…,) lui soient intrinsèques et existeraient en dehors de toute observation consciente.

En revanche les qualités secondaires telles que les couleurs, les sons émis ou le goût, relèveraient, d’après lui,  de l’observateur lui-même. Dans un univers sans systèmes auditifs pour entendre ni de cerveaux pour analyser ce que l’on entend, il n'y aurait pas de sons, ni même de couleurs d'ailleurs, en l’absence même de ce système sophistiqué qu’est la vue,  soutient le Voltaire Anglais. Si toute conscience venait à disparaître de l'Univers, il n’y aurait désormais plus de rouge ni de bleu, plus de chaud ou froid, mais les choses allaient encore être grandes ou petites, rondes ou carrées, solides ou fluides, que l’observateur soit là pour en être conscient ou non.

Il en conclue donc que les qualités secondaires ne sont que l’émanation de notre propre subjectivité, attribuant ceci à l’analyse du dualisme Kantien du Phenomenon, apparence, et du Noumenon, la chose réelle.

C’est ce dualisme Kantien que je vous propose de passer en revu dans un prochain chapitre consacré au grand philosophe allemand, non sans avoir expliqué au préalable l’Idéalisme en tant que théorie.

Prochain article : Idéalisme & Matérialisme, les deux théories qui s’affrontent
Herbert